Problématique des résistances aux vermifuges

Nous le savions depuis longtemps, la question n’était pas « Y aura-t-il des résistances aux vermifuges ? » mais « Quand y aura-t-il des résistances documentées à tous les vermifuges utilisés chez les chevaux ? ». On y est. Et même si la moxidectine n’est pas encore documentée, cela ne saurait tarder.
Il est donc nécessaire d’utiliser a minima les vermifuges, de façon raisonnée, de mettre l’accent sur la gestion de l’environnement pour amoindrir au maximum les infestations et réinfestations, et de repérer et cibler au mieux les 20 % de chevaux les plus gros excréteurs de parasites.

Le parasitisme digestif des chevaux : 7 points essentiels

1er point - Tous les chevaux sont parasités.

En quantités variables, avec des espèces de vers différentes et une expression clinique plus ou moins marquée. Certains chevaux sont fortement parasités sans en être gênés. Il faut savoir que la présence d’œufs de larves ou d'adultes, dans les crottins ne traduit qu’une partie du parasitisme. Attention aux faux négatifs lors de coproscopies : s’il y a des éléments vermineux dans les crottins, c’est un diagnostic de certitude, s’il n’y en a pas on peut être passé à coté.

2ème point - Les conséquences du parasitisme peuvent être graves.

Les vers adultes sont le plus souvent dans le tube digestif, se nourrissent du contenu alimentaire, et provoquent des dégâts localement, en créant plaies, douleur, inflammation, …
Mais ce sont les larves qui sont en général les formes les plus pathogènes, elles traversent la paroi digestive, se répandent dans le corps tout entier : foie, pancréas, poumons, artères, … laissant sur leur passage des plaies, des ulcères, des cicatrices, qui peuvent évoluer en fibroses et en adhérences.
Les conséquences sont parfois immédiates et visibles (coliques, diarrhée, retard de croissance, perte d’état...). Elles peuvent aussi avoir des conséquences sur toute la vie future du cheval (anévrismes latents).

3ème point - Les vers ont une capacité de prolifération et de survie impressionnantes.

Un cheval peut héberger plus de 100 000 Grands strongles, et les femelles pondre plus de 5000 œufs par jour. Pour les Petits Strongles ( = Cyathostomes), un cheval peut tolérer 200 000 à 500 000 adultes, et les femelles pondent 100 œufs par jour. Les œufs et les larves de Cyathostomes peuvent survivre 1 an dans les crottins ou dans la terre, et les larves jusqu’à 3 ans dans la paroi des intestins du cheval.
Pour les Ascaris, 1 femelle pond 200 000 œufs par jour, donc un poulain parasité peut répandre avec ses crottins 50 Millions d’œufs par jour, et ces œufs peuvent résister pendant 3 ans.

Ascaris

4ème point - Nous disposons de peu de molécules vermifuges ( = vermicides pour être plus juste, celles qui tuent les vers) différentes.

Si l’on dénombre l’ensemble des marques commerciales (plus de 20 en France), qui chacune ont leurs spécificités, en réalité nous n’avons à notre disposition que 4 « produits » (5 si l’on sépare l'Ivermectine et Moxidectine) :

  • les Benzimidazoles, (Panacur ND) ;
  • les Lactones Macrocycliques: Ivermectine (exemple Eqvalan ND) et Moxidectine (exemple Equest ND) ;
  • le Pyrantel (exemple Strongid ND) ;
  • et une molécule spécifique pour les « ténias » (vers plats), le Praziquantel, ce dernier étant souvent associé aux molécules actives sur les vers ronds, dans les formes dites « DUOS », exemple Equest Pramox ND.

5ème point - Aucun vermifuge n’est efficace à 100 %.

L’efficacité est variable selon les molécules et le stade de développement des parasites. Les vermifuges sont surtout efficaces sur les vers adultes, moins sur les larves et les oeufs.
La définition de l’efficacité d’un vermifuge, c’est la diminution de 90 % des œufs dans les crottins, donc :

  1. on ne prend en compte que la population d’adultes pondant dans le tube digestif ;
  2. par définition, il peut en rester 10 %.

Il ne faut pas imaginer qu’un cheval est débarrassé de tous ses parasites après une vermifugation, il lui en reste de toute façon, qui vont continuer leur cycle.

6ème point - Plus de 90 % des « éléments parasitaires » sont dans le milieu extérieur.

Si l’on considère l’ensemble de la population parasitaire, œufs, larves, adultes, … moins de 10 % des individus sont à l’intérieur du corps des chevaux. Et 90 % des « éléments vermineux » sont à l’extérieur du corps des chevaux, dans l’environnement.
C’est une donnée absolument cruciale à connaître dans la gestion du parasitisme digestif. Se focaliser sur 10 % de la population vermineuse interne en omettant 90 % des éléments vermineux répandus par les crottins et présents dans l’environnement est une politique vouée à l’échec.

Schéma illustrant les 90 % d’éléments vermineux externes aux chevaux (œufs et larves essentiellement) et seulement 10 % internes aux chevaux (larves, adultes, œufs).

7ème et dernier point - Pour qu’un cheval soit parasité, il faut obligatoirement qu’il se soit contaminé.

Imaginons qu’un cheval parasité ne soit plus jamais en contact avec l’environnement (ce qui est évidemment impossible), mais imaginons. Dans ce cas les parasites vont faire leur cycle, devenir adultes, puis mourir de vieillesse, donc le cheval va s’en débarrasser, sans avoir été vermifugé. Les parasites ne peuvent pas rester indéfiniment dans le corps du cheval, ils sont obligés de sortir, souvent sous forme d’œufs, pour y re rentrer, en général sous forme de larves.
Il est donc essentiel d’avoir présent à l’esprit cette notion de contamination et de re contamination.

Et quel est l’élément de contamination de l’environnement  ? LES CROTTINS.

Première préconisation : gestion de l’environnement, priorité CROTTINS

Le PREMIER objectif est la rupture des cycles EXTERNES aux chevaux :

Priorité : Rupture des cycles externes = gestion de l’environnement et limitation des infestations et réinfestations.

La lutte contre les crottins : RAMASSAGE ET ELIMINATION DES CROTTINS.

C’est la mesure la plus importante, et bien évidemment la plus difficile, sachant qu’un cheval produit en moyenne 14 kg de crottins par jour. C’est par les crottins que tous les éléments d’infestations et de ré infestations parasitaires vont passer. Si ce ramassage est aisé en box, assez facile en petits paddocks, il devient lourd et complexe dans des grandes prairies, et c’est évidemment là qu’il est crucial. Par exemple, les œufs d’Ascaris survivent 3 ans dans le milieu extérieur. Par exemple, les larves de cyathostomes s’enfoncent sous terre en l’absence de chevaux et ressortent sous l’effet de la vibration des sabots des chevaux. La technique brouette et fourche, efficace, est très onéreuse en coût humain. Les « crottinettes » aspirateurs sont efficaces, les bonnes sont chères, et de toute façon il faut une personne pour conduire. C’est donc un véritable investissement financier.

À NE SURTOUT PAS FAIRE :

  • Étaler les crottins au soleil, au prétexte que cela tue les vers, c’est faux, c’est encore trop une idée répandue, et cela met des vers partout ;
  • Épandre du crottin de la fumière comme engrais dans les pâtures pour chevaux ;
  • Mettre les nouveaux arrivants au paddock, ou pire, au pré, sans connaitre leur statut parasitaire.

Deuxième mesure : EPANDANGE DE CHAUX VIVE POUDRE 1 fois par an.

Traiter les prés à la chaux vive : une étude (Poster AVEF 2007, N. Hamet, Afssa Dozulé) montre une bonne efficacité sur les larves de Petits Strongles (presque 90 %). Attention, à faire rapidement après avoir retiré les chevaux (sinon les larves rentrent dans la terre), herser (pour permettre le contact entre la chaux et les parasites) et épandre (CaO poudre) 1 tonne par hectare dans la même journée. Prendre toutes les précautions : absence de vent, masque, cabine fermée au maximum. L’idéal est une pluie dans les 3 jours qui suivent, en pratique on remet les chevaux dans la semaine qui suit, car la chaux s’éteint vite au contact de l’humidité.

Seconde préconisation : VERMIGUGATION, NOUVELLES RECOMMANDATIONS

Comme il fallait s’y attendre, de nombreux parasites sont devenus résistants aux vermifuges, faute d’une utilisation raisonnée.

Le processus d’une sélection de résistances peut être schématisé de la façon suivante :

Il nous faut donc protéger les molécules en vermifugeant de façon raisonnée et surtout pas à l’aveuglette et trop souvent.
La première chose, pour cela, est de vous rapprocher de votre vétérinaire traitant et de mettre au point avec lui une gestion globale adaptée à votre effectif.

Voici, en résumé, les pratiques les plus fréquentes :

  • Pour tous les chevaux en systématique :
    • Soit 1 seule vermifugation par an, en sortie d’hiver / début de printemps, au moment où les larves sortent de dormance d’hiver, dans ce cas un vermifuge DUO ;
    • Soit 2 vermifugations par an :
      • L’une en début de vrai hiver, un DUO pour lutter contre les vers plats type ténias et éviter aux chevaux d’en héberger tout l’hiver ;
      • L’autre en sortie d’hiver / début de printemps, au moment où les larves (cyathostomes) sortent de dormance d’hiver, dans ce cas un vermifuge vers ronds type Ivermectine.

  • Ce qui est très nouveau, c’est le ciblage des GROS EXCRETEURS par COPROSCOPIES (ou d’autres techniques, comme les sérologies sur prises de sang).

En effet on sait maintenant que 80% des parasites d’un troupeau sont hébergés chez seulement 20% des équidés de cet effectif. Comment les repérer et les cibler en priorité ?
Grace, le plus souvent, avec une analyse de crottins, une coproscopie, environ 20 à 25 €.

  • Intérêt : baisser les nombre de vermifugations par an, eviter les résistances aux vermifuges, repérer les gros excréteurs et les prendre en charge spécifiquement ;
  • Inconvénients : Il existe des faux négatifs, c'est-à-dire des copro négatives sur des chevaux parasités, car l’excrétion des œufs n’est pas continue, idem pour les anneaux de ténias. Ce qui amène à faire plusieurs copros pour vérifier.

Enfin, cela va sans dire mais on ne le répète jamais assez, vermifuger un cheval n’est pas un acte anodin, il doit être réalisé dans le calme, avec du temps, en respectant une évaluation du poids (sous dosages et sur dosages sélectionnent les résistances), et hors de question que le cheval en recrache ne serait-ce qu’un centimètre.

Technique d’administration (licol large à la muserolle non représenté).

En conclusion, attention à votre politique de gestion du parasitisme digestif de vos chevaux, si jamais vous en avez un ou plusieurs parasités, malades et insensibles à tous les vermifuges, c’est très compliqué. Les connaissances évoluent rapidement, et on n’en est plus du tout aux classiques 4 vermifuges par an.

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