La mammite dite « colibacillaire » est une infection de la mamelle due à des entérobactéries (bactéries présentes dans les intestins et donc dans les bouses), et principalement à Escherichia coli (également appelée colibacille, d’où le nom de la maladie). Comme des bactéries autres qu’Escherichia coli peuvent être la cause de ce type de mammite, on préférera utiliser le terme « coliforme ».

Ces entérobactéries (Escherichia coli, Klebsiella, Serratia…) sont dites « commensales », c’est-à-dire qu’elle sont présentes dans les intestins des vaches mais sans être pathogènes, et se retrouvent donc dans la litière des stabulations souillées par les bouses. Ce n’est qu’à la faveur d’une colonisation de la mamelle qu’elles acquièrent un pouvoir infectieux. Ce sont donc des pathogènes « d’environnement », contrairement aux bactéries transmises durant la traite (comme les Staphylocoques ou certains Streptocoques).

La période critique durant laquelle il faut être le plus vigilant vis-à-vis de ces mammites est le post-partum. La vache est immunodéprimée et donc plus sujette aux maladies infectieuses, dont ces mammites coliformes.

C’est une infection assez fréquente, mais dans 90 % des cas, la vache se débarrasse du germe et jugule l’infection par elle-même en quelques jours, l’infection passant inaperçue ou presque. Dans les 10 % restants, la mammite dégénère et l’état général de l’animal est très affecté.

Le déroulement de la mammite colibacillaire

La peau des mamelles des vaches peut être très facilement souillée par des bouses, de par leur consistance plutôt liquide et par le fait que les bovins n’ont pas de zones de couchage différentes de leur de zones de défécation (surtout en stabulation libre). Les bactéries fécales alors présentes sur la peau des trayons pénètrent dans le canal du trayon et prolifèrent dans la citerne du quartier.

Ces bactéries ont la particularité de libérer des endotoxines, qui sont des composants de leur paroi, lors de leur multiplication et de leur mort. Ces endotoxines passent les muqueuses de la mamelle (d’autant plus qu’elles sont altérées par l’inflammation) et se retrouvent dans la circulation sanguine provoquant un choc endotoxémique avec dysfonctionnement cardiaque, diminution du flux sanguin et donc défaillance métabolique des organes : cœur, reins, poumons, intestins…

C’est cette libération d’endotoxines qui est à l’origine des symptômes violents constatés (et pas vraiment l’infection en elle-même).

Le déroulement de la mammite colibacillaire

Les symptômes de la mammite colibacillaire

C’est une mammite d’évolution suraiguë (apparition très rapide) de par la multiplication exponentielle des bactéries dans la mamelle. Dans un premier temps (bref), on remarque :

  • Des symptômes généraux (symptômes qui concernent l’ensemble de l’organisme) :
    • Brusque hyperthermie (> 40°C) ;
    • Anorexie et vache peu réactive.
  • Des symptômes locaux :
    • Violente inflammation du quartier concerné, avec gonflement et douleur importants ;
    • Grande baisse de production du quartier avec modification profonde de l’aspect du lait, qui ressemble à de la bière (ou du cidre, selon les régions !).

Dans un deuxième temps, c’est le choc endotoxinique avec passage des endotoxines bactériennes voire de bactéries dans la circulation sanguine :

  • Abattement important, déshydratation, hypothermie ;
  • Difficultés locomotrices voire impossibilité à se relever (« mammite paraplégique ») ;

Comment traiter la mammite colibacillaire ?

Comme souvent, c’est la rapidité d’intervention du vétérinaire qui déterminera l’issue favorable ou non de la maladie.

Le traitement de la mammite coliforme se base sur trois axes :

  • Lutter contre le choc:
    • Contrer la déshydratation par la perfusion. Le plus souvent, le vétérinaire perfuse du sérum salé hypertonique (sérum dont la concentration en sel est supérieure à celle du sang), ce qui provoque un fort appel d’eau et un rétablissement rapide du volume sanguin circulant. Il est plutôt bon signe si la vache boit beaucoup après cette perfusion ; si ce n‘est pas le cas, il faudra procéder à un drenchage d’au moins 30 L d’eau.
    • Complémenter en potassium (par voie orale) et calcium (par perfusion ou par voie orale).
    • Corriger l’hypoglycémie, préférentiellement par perfusion de sérum glucosé.
  • Eliminer la source d’endotoxines:
    • Lutter contre l’infection par l’utilisation d’antibiotique par injection et/ou par voie intra-mammaire.
    • Eliminer l’agent infectieux par la pratique de vidange fréquente de la mamelle, associée ou non à l’utilisation d’ocytocine pour en faciliter la réalisation.
  • Limiter les effets de l’endotoxémie:
    • Par l’utilisation d’anti-inflammatoires, qui contrent les effets néfastes des endotoxines, réduisent l’inflammation de la mamelle et favorise la reprise du transit digestif.

Comment prévenir la mammite colibacillaire ?

Plusieurs mesures sont à mettre en œuvre afin de prévenir les mammites d’environnement :

  • La mesure principale est la bonne hygiène de la litière des animaux.

Ces mammites sont plus fréquentes en stabulation libre qu’en bâtiment en logettes (si ces dernières sont bien dimensionnées), les vaches déféquant à l’extérieur de leur lieu de couchage dans le deuxième cas de figure.

La croissance bactérienne est favorisée dans le fumier, surtout si son humidité est élevée et si sa température est entre 37° et 40°. On conseille donc un paillage journalier voire matin et soir en stabulation paillée intégrale, avec 1 kg de paille par m², et un raclage régulier des aires non paillées. La fréquence de curage de l’aire paillée est à adapter à chaque stabulation : il est conseillé d’accumuler le plus longtemps possible une litière avec une température à 10 cm de profondeur inférieure à 40° (toutes les 3 semaines en moyenne). Le premier paillage suivant le curage doit être réaliser à hauteur de 2 kg de paille par m².

Mammites colibacillaires de la vache laitièreOn peut également :

  • Ensemencer la litière avec des bactéries « positives », qui rentrent en compétition avec les bactéries potentiellement pathogènes et limitent leur multiplication (également intéressant en cas de pododermatite, d’omphalite ou de diarrhée néonatale) ; cela permet également de réduire les quantités de paille utilisées et d’espacer les curages.
  • Répandre de l’asséchant de litière afin de limiter l’humidité.
  • Empêcher les vaches de se coucher après la traite.

Le canal du trayon reste ouvert jusqu’à 2h après la traite. Il est donc intéressant de distribuer les concentrés à ce moment-là afin de motiver les vaches à rester debout, tout en leur limitant l’accès à l’aire de repos.

  • Utiliser un produit de trempage de qualité, assurant un bon effet barrière et cosmétique pour la peau du trayon.
  • Assurer aux vaches fraiches vêlées un bon statut oligo-vitaminique, et limiter l’état de cétose post-partum, maladie métabolique favorisant toutes infections (voir le billet sur « La cétose de la vache laitière »).
  • En cas de flambées de mammites coliformes, réfléchir à associer à toutes les mesures précédentes une vaccination contre les mammites à Escherichia coli (en s’assurant que les mammites sont bien dues à cette bactérie).

La mammite coliforme est une pathologie inhérente à l’élevage laitier. Les formes cliniques engagent toujours le pronostic vital de l’animal et demandent à l’éleveur un investissement important en temps consacré aux soins.

On peut noter que le coût d’une mammite clinique revient en moyenne à 230 € par vache et par an. Schématiquement, les pertes directes (lait écarté, traitement(s), baisse de production, réforme prématurée...) représentent 52 % du coût et les pertes indirectes (pénalités sur le paiement du lait, temps consacré aux soins...) représentent 48 % du coût total d’une mammite clinique.

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