Le but de tout éleveur, professionnel ou amateur, est de faire naître des poulains, et donc d’avoir des juments gestantes (on dit qu’il faut « remplir » les juments). Il est donc primordial de repérer les périodes de fécondité (les « chaleurs ») des juments, et de pouvoir commencer tôt dans l’année.

Quel est le cycle sexuel des juments ?

Les juments sont des animaux à polyeostrus saisonnier.

C'est-à-dire que :

  • L’hiver, lorsque les jours sont courts et froids, leurs ovaires se mettent au repos.

Il existe des exceptions, certaines juments ont des chaleurs régulières toute l’année. Mais dans la plupart des cas, les chaleurs s’arrêtent à l’automne, vers octobre novembre, et recommencent au printemps, vers Avril.
Cette longue pause sexuelle est nommée anoestrus saisonnier.
C’est une régulation naturelle, puisque la gestation chez la jument dure 11 mois, qui permet la naissance des poulains aux beaux jours. En effet, une jument qui remplirait en décembre poulinerait en novembre, à la mauvaise saison, et le poulain n’aurait que peu de chance de survivre. A l’inverse, fécondée en juin, la jument pouline en mai, à une saison bien plus favorable.

  • Au printemps, les juments entrent dans les cycles rendant possible leur fécondation.

Ces cycles se répètent tous les 21 jours, environ 2 semaines d’interoestrus (sans ovulation), et une environ une semaine de chaleurs. Le terme « chaleurs » désigne un changement de comportement chez la jument qui accepte l’accouplement. C’est en fin de chaleurs qu’a lieu l’ovulation, et c’est à ce moment là que doit avoir lieu l’accouplement, la « saillie », afin d’obtenir une fécondation puis une gestation.

Cyclicité de la jument en période d’activité ovarienne (souce : Ifce)</p><p style=Cyclicité de la jument en période d’activité ovarienne (souce : Ifce)

C’est la photopériode qui induit le passage de l’inactivité ovarienne hivernale à la cyclicité saisonnière, donc l’allongement de la durée d’éclairement durant la journée.

Pourquoi vouloir avancer l’arrivée des chaleurs des juments au printemps ?

Si vous n’avez pas d’objectif particulier en terme de date de naissance des poulains ou de faire faire plusieurs poulains de suite à votre jument, vous laissez faire la nature, la jument viendra en chaleurs mais peut être un peu tard.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles on aime avoir des juments en chaleurs tôt dans l’année :

  • La saison de monte officielle dure du 15 février au 15 juillet, pour éviter les naissances trop tardives, donc il est difficile d’obtenir une saillie d’un étalon inscrit dans une race après le 15 juillet.
  • Vous avez de la chance si votre jument remplit sur ses premières chaleurs, mais généralement il faut s’y reprendre à plusieurs fois. Donc plus les chaleurs commencent tôt, plus vous avez de chaleurs à votre disposition pour réussir la fécondation. Il faut savoir que durant une saison la moyenne de cycles exploitables est d’environ 5, ce qui n’est pas beaucoup.
  • Les poulains prennent tous 1 an au 1er janvier qui suit leur naissance. Un poulain conçu en mars et né en février aura donc 10 mois le jour de ses 1 an, et un poulain conçu en juillet et né en juin n’aura que 5 mois le jour de ses 1 an (on parle de poulains « tardifs »). Pour des chevaux qui ne sont pas mis au sport tôt dans leur vie cela n’a pas d’importance, mais pour, par exemple, les purs sangs de courses de galop, qui commence le sport vers 1 an et demi-2 ans, ça compte.

Comment avancer l’arrivée des chaleurs chez les juments ?

On va jouer sur la photopériode de façon à mimer un éclairement journalier plus long.

Bien évidemment il faut que tous les autres paramètres de prise en charge soient corrects, et donc l’efficacité peut varier en fonction de :

  • Etat nutritionnel (note d’état 3) ;
  • Etat physiologique ;
  • Race ;
  • Age ;
  • Température extérieure.

Il faut prendre la décision tôt et commencer en décembre, ni avant car la jument doit vivre de jours courts pour être réceptive, et pas trop après car la stimulation perd de son efficacité.

La stimulation lumineuse consiste à équiper le box de deux tubes néons, pour obtenir une intensité lumineuse de 100 Lux (équivalent d’une lampe de 200 W), et de laisser la jument sous un éclairage durant de 14 à 15 heures par jour, en comptant l’éclairage naturel du jour + l’éclairage artificiel. Donc souvent on allume les boxes quelques heures matin et soir.

La durée de ce système est d’environ 35 à 40 jours, donc de mi-décembre à fin janvier, pour obtenir l’arrivée des chaleurs début mars.

La cyclicité est reprise de la même manière pour une durée d'éclairement de 35 j (courbe violette) que pour une durée d'éclairement allongée jusqu'aux beaux jours (courbe rouge). C IfceLa cyclicité est reprise de la même manière pour une durée d'éclairement de 35 j (courbe violette) que pour une durée d'éclairement allongée jusqu'aux beaux jours (courbe rouge). (source : Ifce)

On met également les juments qui poulinent tôt dans l’année sous lumière, afin qu’elles n’aient pas de période de chaleurs après leur poulinage.

Ce système a néanmoins l’inconvénient de devoir rentrer les juments au box tous les jours, alors que dans beaucoup d’élevages elles vivent dehors avec des abris. Fort de cette observation un fabricant à développé un masque équipé de lumières proches de yeux de la juments. Le masque « Equilume » :

Masque solaire pour chevalMasque Equilume

N’ayant pas de recul je ne peux pas me prononcer sur l’efficacité comparée des deux méthodes, mais l’idée est intelligente.

En conclusion, élever c’est s’adapter à de nombreux paramètres, dont la cyclicité des juments poulinières, et le fait de les voir arriver en chaleurs plutôt tôt dans l’année est bénéfique sur le taux de réussite de l’élevage. A condition bien sur de pouvoir accueillir le poulain dans de bonnes conditions si celui-ci arrive lui aussi en début d’année.

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