​Des chercheurs du MIT (Massachussets Institute of Technology) ont découvert une molécule qui serait le plus puissant des antibiotiques jamais découvert. D’après l’OCDE, à l’horizon de 2050, l’antibiorésistance pourrait causer la mort de millions de personnes. La découverte de ces chercheurs représente une avancée majeure dans le domaine médical.

Qu'est ce que l'antibiorésistance ? 

Définition de l’antibiorésistance

La résistance aux antibiotiques, ou antibiorésistance, est la capacité d’un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques. C’est l’une des formes de la pharmacorésistance.

Les bactéries peuvent s'adapter à la toxicité d'un antibiotique grâce à une grande batterie de mécanismes résultant soit de mutations ponctuelles soit d'un transfert horizontal de gènes.

Un peu d’histoire sur l'antibiorésistance

Le premier antibiotique, la pénicilline, n’a été découvert qu’en 1928 par un bactériologiste écossais Alexander Fleming (qui d’ailleurs, s’intéresse davantage à ses effets désinfectants qu’à ses vertus thérapeutiques !), et industrialisée qu’au début des années 1940. De nouveaux antibiotiques ont alors été découverts, à un rythme soutenu.

A mesure que les humains utilisent des antibiotiques pour combattre leurs diverses infections bactériennes, les bactéries s’y adaptent et deviennent résistantes.

Cette antibiorésistance n’a pas, dans un premier temps, attiré l’attention du public ou de l’industrie pharmaceutique.
​AntibiotiqueAnnée d'introductionApparition despremières résistances
​Sulfamides​1936 ​1940
​Pénicilline G​1943​1946
​Streptomycine​1943 1959​
​Chloramphénicol​1947​1959
​Tétracycline​1948​1953
​Erythromycine​1952​1988
​Ampicilline​1961​1973
​Ciprofloxacine​1987​2006

Le recours à de grandes quantités d’antibiotiques dans l’agriculture et dans l’alimentation animale est une cause d’antibiorésistance passée longtemps inaperçue. Le risque de transmission de bactéries résistantes aux éleveurs et aux consommateurs de viande via la chaîne alimentaire a commencé à alerter l’OMS dès 2003 qui a recommandé de ne plus utiliser d’antibiotiques comme facteurs de croissance et à en user prudemment en thérapeutique. Dès 1999, avant même les recommandations de l’OMS, l’Union Européenne a interdit 5 antibiotiques dans l’alimentation animale.

En 2014, l’OMS a publié un nouveau rapport sur l’antibiorésistance dans 114 pays, montrant que le monde entier était déjà touché et que la menace était grave pour la santé publique.

Conséquences de l'antibiorésistance

On estime que la résistance aux antibiotiques a causé 25 000 morts en Europe en 2007 et 23 000 aux Etats-Unis en 2013, entraînant un coût de 1.5 milliard d’euros en Europe et de 20 milliards aux Etats-Unis.

 Un rapport britannique estime à 700 000 morts dans le monde en 2014, avec une projection de 300 millions de personnes qui décèderaient alors prématurément d’ici 2050 pour un coût économique compris entre 60 et 100 billions de dollars.

Quelle est la découverte des chercheurs du MIT ?

L’origine de la découverte de l'antibiorésistance

James Collins, professeur d’ingénierie médicale au MIT explique que « nous sommes confrontés à une crise croissante autour de la résistance aux antibiotiques et que cette situation est générée à la fois par un nombre croissant de pathogènes devenant résistants aux antibiotiques existants, et par une réduction des canaux consacrés à de nouveaux antibiotiques dans les industries biotechnologiques et pharmaceutiques ».

L’ensemble de son unité de recherche a alors décidé de « développer une plateforme permettant d’exploiter la puissance de l’intelligence artificielle (IA) pour ouvrir une nouvelle ère de découverte de médicaments antibiotiques ».

Ces scientifiques ont tout d’abord formé une IA en lui enseignant les effets biologiques de près de 2500 molécules, plus précisément les caractéristiques chimiques qui rendent celles-ci efficaces contre la bactérie Escherichia coli. Ils ont utilisé 1700 médicaments existants et 800 produits naturels.

L’expérience de l'antibiorésistance

Les chercheurs du MIT ont par la suite, mis à la disposition de l’IA un répertoire d’environ 6000 composés médicamenteux en lui demandant de les étudier et d’identifier ceux ayant une forte activité antibactérienne. De plus, l’IA a été programmée pour détecter des molécules antibiotiques utilisant, pour tuer les bactéries, des mécanismes différents des médicaments déjà connus. 

L’IA avait pour objectif de prédire lesquelles de ces substances pouvaient agir contre une bactérie comme Escherichia Coli. Après quelques heures uniquement, l’IA arrive à sa conclusion avec une présélection de 100 candidats possibles.

Les résultats de l'expérience sur l'antibiorésistance

Après des tests biologiques, les scientifiques du MIT ont identifié un composant aux capacités insoupçonnées, le premier antibiotique découvert par une intelligence artificielle !

Les chercheurs ont nommé cet antibiotique Halicine, en s’inspirant de l’IA tueuse, HAL 9000, du film de Stanley Kubrick « 2001 : L’Odyssée de l’espace ».

L’halicine est un composé initialement expérimenté pour traiter le diabète. Les scientifiques ont constaté qu’il était non seulement efficace contre Escherichia Coli, mais aussi contre des bactéries plus dangereuses et résistantes comme Clostridioides Difficile, responsable de la diarrhée nosocomiale et l’Acinetobacter Baumannii, autre bactérie infectieuse opportuniste qui a infecté de nombreux soldats américains en Irak et en Afghanistan. 

Mais l’halicine a surtout montré son efficacité contre la Mycobacterium Tuberculosis, à l’origine de la tuberculose. James Collins souligne que « l’halicine n’opposerait même aucune résistance après 30 jours de tests constants ». A titre de comparaison, l’agent de la tuberculose commence à développer une résistance à l’antibiotique ciprofloxacine en seulement 3 jours et est, après 30 jours, environ 200 fois plus résistante à cette molécule.

De plus, le mécanisme d’action de l’halicine est inédit : Ce composant perturbe la capacité des bactéries à maintenir un gradient électrochimique sur leurs membranes externes, affectant la façon dont elles stockent l’énergie et ainsi, provoquant leur mort. Un mode d’action pour lequel les bactéries n’auraient plus les moyens de muter suffisamment pour réussir à résister, à terme, à l’antibiotique.

Quelles sont les perspectives de l'antibiorésistance ?

La découverte par l’équipe de chercheurs du MIT apparaît comme un exploit qui pourrait révolutionner le secteur pharmaceutique.

Comme nous le prouve cette avancée scientifique majeure, les intelligences artificielles ont un véritable rôle à jouer dans le domaine de la médecine, et pas uniquement pour les maladies bactériennes, mais aussi dans la lutte contre la propagation des épidémies.

Les chercheurs ont entrepris de faire analyser 107 millions de formules moléculaires par l’IA qui aurait déjà détecté 2 autres composés très prometteurs...